Mille petits riens – Jodi Picoult

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Ruth Jefferson est sage-femme depuis plus de vingt ans. C’est une employée modèle. Une collègue accommodante. C’est aussi la seule afro-américaine de son service. Le jour où un couple de suprémacistes blancs demande à ce qu’on lui interdise tout contact avec leur bébé, Ruth est choquée de voir sa hiérarchie accéder à leur requête. Quand le nourrisson décède quelques jours plus tard, c’est elle qui est pointée du doigt. Accusée de meurtre, Ruth va devoir répondre de ses actes devant la justice. Mais sa couleur de peau ne la condamne-t-elle pas d’avance ? 

560 pages

 


 

Ce livre raconte l’histoire de Ruth, infirmière obstétrique au parcours irréprochable, qui se voit interdire de d’occuper d’un bébé blanc, Davis Bauer, fils de Turck et Brittany, deux skinheads extrémistes et suprématistes blancs. Lorsque Ruth entre dans la chambre de maternité pour prodiguer les premiers soins à leur bébé nouveau né, ils sont outrés de voir une personne « comme elle » toucher à leur trésor. Ils exigent « qu’aucun soignant africain-américain ne soit autorisé à s’occuper de leur bébé », et cette requête est acceptée par la hiérarchie de Ruth …  Lorsque le bébé cesse soudainement de respirer, Ruth est la seule à proximité. Tiraillée entre les ordres reçus de sa hiérarchie lui interdisant de s’approcher du bébé, et son devoir d’infirmière, Ruth hésite quelques secondes. Une fois le décès avéré, c’est elle qui est pointée du doigt, servant de bouc émissaire, elle est accusée de meurtre. Ruth est perdue, elle se demande si elle a vraiment fait tout ce qu’elle pouvait pour sauver le petit Davis. Son accusation est-elle justifiée ou n’est-elle due qu’à sa couleur de peau ? 

 

Mon avis

Ce livre est très fort. Il traite d’un sujet extrêmement sensible et délicat à aborder : le racisme aux Etats-Unis. J’ai beaucoup aimé le style du récit à trois voix: on alterne entre le point de vue de l’infirmière : Ruth ; Kennedy: une avocate « blanche » de la défense publique qui représente Ruth lors de son procès ; et le père du bébé décédé : Turck Bauer. On est ainsi plongé dans la vision de chacun des trois personnages qui vivent très différemment le procès. 

Ce livre m’a beaucoup émue, choquée aussi. Le début est très difficile à lire, je n’ai pas pu retenir mes larmes lorsque le nourrisson, Davis, meurt, puis quand on affronte le désespoir des parents qui viennent de perdre leur enfant, vieux de quelques jours. Je vacillais entre la compassion pour ces pauvres parents qui endurent la plus terrible des tragédies, et l’incompréhension, le dégoût pour leur haine tellement féroce envers les personnes de couleur, juives, ou homosexuelles. Je n’ai pas pu m’empêcher de me dire que s’ils n’avaient pas été racistes, et s’ils avaient laissé Ruth faire son travail, la tragédie aurait pu être évitée. Ou pas… C’est là toute la question… J’ai été très choquée et indignée par la virulence et la violence des propos aussi bien que des actions des parents néonazis et suprématistes blancs. Ça fait très peur, et je ne pensais pas que des mouvements comme ceux-ci pouvaient encore avoir une telle ampleur de nos jours. Je suis peut-être (très) naïve, mais j’ai l’impression que le racisme est plus présent aux États-Unis qu’en France (mais je n’y suis jamais allée alors mon seul point de vue vient de mes lectures…).

Au cours de l’histoire, l’auteure braque le projecteur sur ce que c’est d’être « noir » aux Etats-Unis de nos jours, un sujet que l’on préfère ignorer, jusque dans les entrailles de la justice, et qui met mal à l’aise. Elle éveille la conscience de ceux qui n’ont jamais rien vécu de tel. 

 » Parce qu’en réalité le racisme ne se résume pas à la haine. Nous avons tous des préjugés, même si nous n’en sommes pas conscients. Ce qu’il faut savoir, c’est que le racisme est également lié à l’identité des personnes qui détiennent le pouvoir… Et qui y ont accès. Voyez-vous, lorsque j’ai commencé à travailler sur cette affaire, je ne me considérais pas comme quelqu’un de raciste. A présent je sais que je le suis. Pas parce que je hais les personnes qui ne sont pas de la même race que moi, non, mais parce que – intentionnellement ou inconsciemment – j’ai profité de la couleur de ma peau, de la même manière que Ruth Jefferson a subi un grave revers à cause de la sienne. « 

 

En bref, ce livre magnifiquement écrit nous fait passer par la tristesse, la colère, la compassion, l’empathie et l’espoir. Mais surtout, il fait réfléchir sur la réalité de la ségrégation raciale malheureusement encore présente dans la société actuelle. C’est un bon pavé (pas loin de 600 pages quand même) mais il se lit très facilement. Je remercie ma cousine et ma maman de m’avoir poussé à le lire 😀😘

 

Quelques citations pour finir :

« La liberté ressemble à la corolle délicate d’une jonquille après le plus interminable des hivers. C’est le son de votre voix que plus personne ne cherche à étouffer. C’est avoir le plaisir de dire oui et, plus important encore, le droit de dire non. Au cœur de la liberté bat l’espoir : le pouls de tous les possibles. »

 

« A ce moment là, nous ne sommes ni noires ni blanches, ni avocate ni accusée. Nous ne sommes simplement que deux mères, assises côte à côte. »

 

« C’est dingue: on peut se regarder toute sa vie dans un miroir en pensant avoir une image nette, et puis un jour, on décolle une fine pellicule grise d’hypocrisie et on se rend compte qu’on a jamais vu son vrai visage. »

 

« Et malgré tout, je sais d’ores et déjà que personne n’aura réellement gagné ce procès. Car on ne peut effacer la perte aussi colossale que tragique d’une vie humaine à peine entamée. Voici les pensées qui m’agitent tandis que les couloirs du tribunal se vident. »

 

« Nous sommes censés être les gardiens légaux d’une société postraciale. Mais voyez-vous, l’origine du mot ignorance me semble plus importante que le vocable en lui-même. Il vient en effet du verbe ignorer au sens  » ne pas tenir compte de » et personnellement je crois que continuer à ignorer la vérité n’apportera rien de bon. »

9 commentaires sur “Mille petits riens – Jodi Picoult

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  1. Tout à fait d’accord avec ton analyse. J’ai ressenti exactement la même chose en le lisant.
    Tu regardes ce qui se passe autour de toi différemment ensuite, parce qu’on s’est tous dit au moins une fois «je ne suis pas raciste mais…».
    C’est un peu dans la même veine que «la couleur des sentiments» sauf que là, ça se passe aujourd’hui. Comme quoi, les mentalités ne changent pas tant que ça.

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  2. Très contente que tu aies aimé…pour ma part ce livre m’a fait penser au best-seller « la couleur des sentiments « , roman qui aborde aussi le racisme anti-noir si virulent et présent aux Etats-unis. J’ai vraiment apprécié le point de vue du fils de Ruth , sa gêne , la culpabilité qu’il ressent parce-qu’il en veut tellement à sa mère . Bref il y aurait énormément à dire sur ce roman , donc il faut le lire.

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  3. J’ai déjà vu passer ce livre et tu m’as convaincue de le lire ! Je croyais que Jodi Picoult écrivait plutôt des romances, des trucs légers sans prise de tête et je n’en donc jamais lu. Mais là, ça fait très envie !

    Aimé par 1 personne

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